mercredi 13 avril 2016

La guerre civile américaine par proxy a débuté en Syrie


Nous sommes à Alep en 2016. Les « rebelles » soutenus par la CIA et les Kurdes du « Front démocratique syrien » appuyés par le Pentagone s’affrontent violemment dans le Nord-est de la Syrie. Absurde ? Tragique ? Indécent?. C’est pourtant ce que révèle le Los Angeles Times
En réalité, comme l'analyse Veterans Today, nous assistons à une "guerre civile américaine par proxy" , autrement dit par procuration, entre d'un côté le Pentagone, et de l'autre la CIA, car Obama ne contrôle ni l'un, ni l'autre.

CIA-VS-Pentagon-e1459209040497A partir de 2011, dans une opération menée conjointement avec l’Arabie Saoudite (voir notre article sur l’opération Timber Sycamore), la CIA a délégué à Riyad son soutien aux groupes islamistes sunnites rebelles, alors présentés comme “modérés” et même “démocrates” (sic). Mais, derrière l’engageant sous label d’Armée syrienne libre, la rébellion syrienne chargée d’organiser la chute du régime baasiste de Bachar el-Assad n’a que très peu à voir avec un printemps démocratique des peuples. Elle offre bien plutôt le spectacle inquiétant d’un “camaïeu de vert foncé”, allant de l’islamisme bon teint au djihadisme ultraviolent d’Al-Qaïda. Les subtilités byzantines de cet aréopage destinées à perdre l’observateur naïf ou complaisant ont été élaborées par Tel-Aviv, Ankara, Riyad et Doha,  parrains attentifs de ce dépècement d’une Syrie convoitée pour sa situation stratégique, pour ses réserves de gaz et de ptrole. Son nationalisme laïc sous contrôle d’un clan alaouite les gêne grandement dans leur offensive tous azimuts face à la ré-émergence politique et économique de l'Iran et de l'Irak à majorités chiites. Mais, comme toujours, les marionnettes cisaillent assez vite les fils qui les retiennent et les armes américaines et françaises (notamment des missiles anti-chars TOW), complaisamment fournies à ces “good guys”, tombent progressivement dans les mains du Front Al-Nosrah (branche syrienne d’Al Qaida), dont le cryptosioniste Laurent Fabius, alors ministre français des affaires étrangères, nous assurait en 2012, dans un aveu confondant de duplicité, qu’il “faisait du bon boulot” (sic).
L’équation américaine se complique alors singulièrement : non seulement leurs “gentils” rebelles islamistes se montrent incapables de faire tomber le “méchant” Bachar, mais leur ressemblance idéologique manifeste avec les très méchants combattants de l’Etat islamique rend improbable d’espérer une défaite de Daech, l’autre objectif affiché (mais non réel [1]) de l’implication américaine. Il n’en faut pas plus au Pentagone pour changer son fusil d’épaule et court-circuiter la CIA. Désormais, les Américains soutiennent les Kurdes syriens pour couper l’autre “tête du serpent” qu’est l’Etat islamique. Cela posait néanmoins quelques problèmes “cosmétiques”.
Primo, les Kurdes syriens du Parti de l’Union démocratique (PYD) et de son bras armé, les Unités de protection du peuple (YPG), sont au moins tactiquement sinon stratégiquement les alliés de Bachar el-Assad, comme l’a démontré la bataille d’Alep, où les forces kurdes ont avancé de conserve avec le régime de Damas et l’aviation russe pour grignoter le territoire des rebelles (armés par la CIA).
Secundo, le PYD kurdo-syrien est une émanation du PKK kurdo-turc, ennemi farouche du régime turc, membre de l’OTAN, donc allié des États-Unis.
Tertio, comment faire avaler aux puissances sunnites alliées des États-Unis que l’avenir de la Syrie ne passera finalement pas par des islamistes fidèles à l’idée d’un grand Sunnistan, mais par des Kurdes laïcs, socialisants et proches du Kremlin ? 
La fuite en avant se poursuit et les États-Unis créent une nouvelle coalition de rebelles fréquentables, le Front démocratique Syrien (FDS), composé en réalité de 80% de Kurdes syriens d’après le général Joseph Votel, alors commandant des opérations spéciales américaines.
C’est ainsi que les Américains sont passés du cynisme à l’absurde : 
à la mi-février 2016, la milice Fursan al Haq (ou les Chevaliers de la Vertu), formée par le Qatar en septembre 2012 et armée par la CIA, a été expulsée de la ville de Marea (environ 35 km au nord d’Alep) par les Forces Démocratiques Syriennes, appuyées par le Pentagone, en provenance de régions contrôlées par les Kurdes à l’est. Notons au passage que Fursan al Haq fait partie de la coalition Fatah Halab (Conquête d'Alep) dominée par les Frères musulmans et leur Front islamique en Syrie, dont font partie les salafistes de la brigade Ahrar al-Sham, qui eux-mêmes combattent au sein de la coalition Ansar al-Charia (les Partisans de la Charia) dans le Gouvernorat d’Alep avec le Front al-Nosrah, franchise locale d’Al-Qaïda. La boucle est bouclée ! La CIA a visiblement du mal à se séparer du Golem djihadiste qu’elle a enfanté en Afghanistan dans les années 1980…
A l’heure actuelle, les islamistes “CIA backed” semblent reclus dans le Gouvernorat d’Alep, alors que l’Armée syrienne de Damas, appuyée par les Russes et les Iraniens, a libéré une grande partie de la ville, capitale économique de la Syrie, et coupé l’une des deux routes qui reliaient le territoire sous contrôle rebelle à la Turquie.
Déboussolés par l’intervention russe, les Américains semblent jouer la stratégie du chaos au risque de se prendre les pieds dans le tapis : leur approche classique qui consiste à appuyer tous les belligérants d’un conflit, pour au moment jugé opportun, décider arbitrairement d’un interlocuteur légitime, l’imposer diplomatiquement et marginaliser les autres, est éminemment aléatoire. Lorsque le Pentagone et la CIA finissent par se retrouver en duel sur les hauteurs d’Alep, la révélation de ces intrications dangereuses à la fois cyniques et contradictoires (sans doute renforcée par les traditionnelles rivalités inter-Services) est fortement décrédibilisante politiquement et militairement pour Washington. Comme le disait déjà, en 1926, Joseph Kessel lors de la crise du Djebel Druze en Syrie, « mieux vaut abandonner la partie que de s’user à la jouer mal ». 

Une véritable guerre civile américaine entre le Pentagone et la CIA


Les paroles d'Orwell, écrit en 1948, sont comme prophétiques aujourd'hui. Bien sûr, Orwell était un initié car  il avait travaillé pour l’espionnage britannique; donc il savait comment se déroulait le «jeu»: «La guerre ne vise pas à gagner, elle est destinée à devenir une guerre permanente."…"Son objectif n’est pas la victoire,  mais de garder la structure de la société intacte. "

À ce sujet, on a interrogé le colonel Laurence Wilkerson (l'ancien chef de cabinet du secrétaire à la Défense Colin Powell, sous le régime Bush)  sur la chaîne «  Baltimore News ». Citant son expérience de plus de 30 ans dans l'armée, il répondit qu'il n'a jamais vu « une telle ineptie, un tel merdier ». Il a souligné, concernant à la fois ces combats fratricides entre la CIA et le Pentagone, et l'ignorance de ce qui se passe réellement sur le terrain en Syrie: "Le lundi la CIA arme le Groupe-A, tandis que le mardi le Pentagone arme le Groupe-B. Le Mercredi, armés jusqu’aux dents, A et B se battent entre eux comme des chiens. Nous n’avons aucun moyen de savoir comment nos armes sont utilisées. Pendant ce temps, ISIS/Daech applaudit".

Je pense cependant que le colonel ne va pas assez loin en mettant l'accent sur l'existence de différentes factions avec des agendas concurrents dans ce micmac. En effet, plutôt que d'être seulement un résultat de l'ineptie et la duplication des rôles au sein du complexe militaire/espionnage américain, ces combats entre les milices de la CIA et celles du Pentagone sont une véritable guerre civile américaine par procuration.
Gordon Duff, de Veterans Today explique :

"Une chose dont les gens doivent se rendre compte; c’est que le gouvernement des États-Unis n’est pas monolithique, il est très fragmenté. Il y a des intérêts divergents au sein du gouvernement des États-Unis. Certains croient vraiment dans la Constitution, d’autres croient que la politique étrangère officielle est la bonne, mais d'autres ne croient rien de cela. Certains se croient plus intelligents, d'autres ont leurs propres agendas, et d'autres voient des moyens de tirer profit de ces conflits et de ce  micmac. J'espère est que tout le monde se rend compte du fait qu'il y a certaines personnes et certains groupes d'intérêts qui tirent profit de la souffrance humaine…. "

"Les gens doivent être conscients qu’Obama ou que les chefs d'état-major ne sont pas les véritables donneurs d’ordre aux commandants sur le terrain en Syrie et en Irak en ce moment. Il est fort probable que ces commandants dépendent en réalité d’une autre chaîne de commandement parallèle qui n’a rien à voir avec son mandat constitutionnel et qui a donc rompu les rangs ".

Le conflit entre les milices respectives de la CIA et du Pentagone est en réalité une guerre civile par procuration entre ces deux factions du gouvernement américain. C’est comme l’a prédit Orwell, un aspect de la guerre permanente, avec ses énormes profits pour ceux qui cherchent à contrôler le monde.

En outre, si cette guerre peut être poursuivie par des armées proxy composées de mercenaires et de criminels psychopathes, pour la plupart Arabes, comme ceux qui ont été recrutés dans les prisons irakiennes par le général Petraeus, ou ceux qui ont été recrutés dans les prisons tunisiennes par les gouvernements islamistes tunisiens grâce à l'argent du pétrole, alors il est beaucoup plus facile de vendre cette guerre permanente au public occidental en général, et américain en particulier.  
Il n'y a plus de problèmes avec les manifestants anti-guerre et pacifistes bouleversés par le flux de jeunes garçons revenant dans des sacs mortuaires; plus besoin de vendre la nécessité d'enrôler les jeunes gens pour les envoyer mourir dans un coin perdu du globe dont la plupart n’ont jamais entendu parler.

La « mouche dans le potage » de cette  confortable escroquerie peu coûteuse, est que les Russes sont  venus bombarder indistinctement toutes les milices et tous les terroristes qu’ils pouvaient localiser, et qui étaient embauchés pour abattre le gouvernement légal et populaire du président Assad.  
Ceci signifie donc que la Russie a retiré une épine du pied d’Obama, en bombardant les deux milices : celle du Pentagone et celle de la CIA.  
Nous pouvons en voir les effets dans le changement de l'alignement politique de l'administration Obama, qui passe d'une alliance étroite et aveugle avec Israël, la Turquie et l'Arabie Saoudite à une « nouvelle relation » plus apaisée avec la Russie et l'Iran, deux pays moins agressifs et plus coopératifs. 
Nous voyons aussi, comme résultat, la fureur des Saoudiens et des Turcs. 
Quant aux Israéliens, ils n’ont pas beaucoup de soucis à se faire. C’est le lobby juif  qui « mène la danse » aux élections US, et qui décide qui est le bon président, le bon sénateur ou le bon gouverneur pour le peuple américain.

Il reste à savoir qui va gagner en définitive cette guerre civile américaine par procuration, car, dans cette guerre, il y d’autres champs de bataille que la Syrie.

À Chaque fois qu'il y a conflit, c’est la masse des pauvres qui en subit les effets négatifs pendant que les quelques riches en profitent un maximum. 
Quelque soit le gagnant américain, les dindons de la farce sont les "Arabes", et surtout les traîtres parmi eux : islamistes, wahhabites, Arabes du Golfe, etc. 
Comme le dit le proverbe grec :
 " Les vautours et les traîtres ne sont attirés que par l'odeur des cadavres."

Hannibal GENSERIC