lundi 3 mars 2014

UKRAINE : le dessous des cartes

Les enjeux sont fort sérieux, en Ukraine: après le coup d’État, comme la Crimée et le Donbass ont brandi leur droit à l’autodétermination, voilà que les troupes russes et américaines sont entrées en Ukraine, masquées toutes les deux.

1. La préparation

Certes, les soldats US apparaissent comme des « conseillers militaires », mais il s’agit visiblement de membres de l’armée privée Blackwater; une centaine d’entre eux patrouillent dans Kiev, tandis que d’autres tentent de mater la révolte à Donetsk. Officiellement, ils sont là sur invitation du nouveau régime pro-occidental. Fer de lance de l’invasion US qui tente de consolider le régime et de briser toute résistance, ils ont déjà trempé les mains dans le sang à Donetsk.

Parallèlement, le Pentagone a doublé le nombre des jets de combat qui remplissaient une mission dans la Baltique, sous couvert de patrouille de l’OTAN. Le transporteur aérien a pénétré en Mer Noire, et on signale des Marines qui auraient atterri à Lvov dans le cadre de « manœuvres prévues de longue date ». Quant aux soldats russes, ils appartiennent ostensiblement à la flotte russe, qui stationne légalement en Crimée. Ils étaient en Crimée avant le coup d’État, dans le cadre du traité qui lie la Russie et l’Ukraine (à l’instar de la Cinquième Flotte US au Koweït), mais leur présence a sans doute été renforcée. D’autres troupes russes avaient été appelées en renfort par le président Yanoukovitch, légalement élu mais déposé, ce qui rappelle tout à fait l’intervention US au secours du président Aristide en Haïti, lui aussi déposé. Ils aident la milice locale pro-russe à maintenir l’ordre, et personne ne se fait tuer dans ce contexte. En outre, la Russie a mis ses troupes en alerte et a ramené quelques navires de guerre en Mer Noire.
Seule la présence russe est évoquée par les médias occidentaux en termes d’invasion, tandis que la présence américaine est à peine mentionnée. « Nous avons le devoir moral de fourrer notre nez dans vos affaires, dans votre arrière cour, à l’autre bout du monde, et c’est pour votre bien », comme l’a écrit un blogueur ironique américain.
Moscou s’est réveillée brutalement, une fois passée l ‘obsession des JO, et quand les gens ont commencé à dire: « Poutine a gagné les JO, et perdu l’Ukraine. ». Effectivement, tandis que Poutine suivait les compétitions à Sotchi, la révolution brune se déroulait en Ukraine. Il s’agit d’un pays grand comme la France, la plus grande des Républiques soviétiques de jadis, après la Russie, et une coalition d’ultra-nationalistes ukrainiens et d’oligarques principalement juifs vient de s’en emparer. Le président légitime a été forcé de s’enfuir pour sauver sa peau. Des membres du Parlement ont été pris en main, et dans certains cas leurs enfants ont été pris en otage pour s’assurer de leur vote, tandis que des hommes en armes perquisitionnaient chez eux. Le putsch était bouclé. L’Occident reconnaissait aussitôt le nouveau gouvernement, mais non la Russie, ce qui ne l’empêchait pas de poursuivre les échanges de routine. Mais désormais, la véritable histoire se déroule en ce moment en Crimée et en Ukraine orientale, et c’est celle de la résistance au coup d’État pro-occidental.

2. Le putsch

La situation économique est épouvantable, en Ukraine. Ils en sont au point où en était la Russie dans les années 1990, avant Poutine, mais en Ukraine rien n’a bougé depuis. Le pays a été moissonné par les oligarques qui ont siphonné leurs profits en direction des banques occidentales, amenant le pays au bord du précipice. Pour éviter le défaut de paiement et l’effondrement, l’Ukraine devait recevoir de la Russie un prêt de 15 milliards d’euros sans condition préalable, lorsque le coup d’État s’est produit. Et maintenant le premier ministre de la junte sera bien heureux s’il reçoit un seul petit milliard de dollars de la part des US, par le biais du FMI; certes, les Européens en ont promis plus, mais dans quelques années… Il a aussitôt accepté les conditions du FMI, ce qui signifiera austérité, chômage et dette astronomique. C’est là probablement la raison d’être du putsch. Le FMI et les prêts US sont une source de profit majeure pour la communauté financière, et ils savent y faire, pour mettre des pays en esclavage pour dettes, comme l’a si bien expliqué John Perkins.
Les oligarques qui ont financé l’opération Maidan se sont partagé le butin: le bienfaiteur le plus généreux, le multimilliardaire Igor “Benya” Kolomoysky, a reçu le fief de la ville russophone de Dniepropetrovsk. On ne lui a pas demandé de rendre son passeport israélien. Ses frères en oligarchie ont pris d’autres villes russophones, y compris Kharkov et Dnetsk, la Chicago ukrainienne, ou sa Liverpool. Kolomoysky n’est pas simplement un « oligarque d’origine juive », mais un membre actif de la communauté juive, un supporteur d’Israël et un donateur de nombreuses synagogues, dont l’une est la plus grande d’Europe. Il n’était nullement gêné de soutenir les néo-nazis, même ceux qui ont été interdits de séjour aux USA pour antisémitisme déclaré. Et c’est bien pour cela que les appels à la conscience juive contre le putsch brun ont exemplairement échoué.
Puis vint le tour de la croisade nationaliste contre les russophones, Russes ethniques et Ukrainiens russophones -la distinction est capitale- principalement les ouvriers de l’industrie, du Sud et de l’Est du pays. Le régime de Kiev a banni le Parti communiste et le Parti des Régions, qui est le plus grand parti du pays, massivement soutenu par les ouvriers russophones. Le premier décret du régime a interdit le russe dans les écoles, à la radio et à la télévision, ainsi que tout usage officiel du russe. Le ministre de la culture a qualifié les russophones d’imbéciles, et a proposé de les jeter en prison s’ils se servaient de la langue interdite en public. Un autre décret menaçait de dix ans de taule tout détenteur de la double nationalité russe et ukrainienne, tant qu’il n’aurait pas renoncé à son identité russe.
Et ce n’étaient pas de vains mots: les troupes d’assaut du Secteur Droit, la force de combat d’avant garde, en faveur du Nouvel Ordre, ont parcouru le pays en terrorisant les officiels, en frappant les citoyens, en occupant les bâtiments gouvernementaux, en abattant les statues de Lénine, en démolissant les monuments commémoratifs de la Seconde Guerre mondiale, et en imposant leur loi par tous les moyens. Sur une vidéo, on voit un combattant du Secteur Droit maltraiter l’avocat officiel de la ville tandis que la police regarde ailleurs. Ils ont commencé à pourchasser les policiers anti-émeutes qui soutenaient l’ex-président, et ils ont descendu en flammes une synagogue ou deux. Ils ont torturé un gouverneur, et lynché quelques techniciens trouvés dans les quartiers généraux de l’ancien parti dirigeant. Ils ont commencé à occuper les églises orthodoxes de rite russe, en essayant de les aire basculer vers leur propre église catholique grecque.
Les instructions de Victoria Nuland, du Département d’Etat, ont été respectées: l’Ukraine avait eu le gouvernement qu’elle prescrivait dans le fameux coup de fil intercepté, en s’adressant à l’ambassadeur US. Étrangement, tandis qu’elle envoyait les Européens « se faire f… », elle se moquait éperdument du point de vue russe sur l’avenir immédiat de l’Ukraine.
La Russie ne s’était pas mêlée des évènements ukrainiens, car Poutine ne voulait pas être accusé d’ingérence, alors même que des envoyés US et Européens prêtaient main forte aux rebelles et les encadraient. Le peuple russe l’applaudirait chaudement s’il devait envoyer ses tanks à Kiev pour reconquérir l’Ukraine toute entière, qu’ils considèrent comme partie intégrante de la Russie. Mais Poutine n’est pas un nationaliste russe, et il n’a pas de perspective impériale. Il aimerait bien que l’Ukraine soit amicale envers la Russie, mais n’a jamais envisagé de l’annexer, en partie ou en totalité, cela coûterait trop cher, même pour une Russie prospère: cela ne serait pas facile, non plus, parce que chaque gouvernement successif au long des vingt dernières années a dressé le peuple contre la Russie. Mais Poutine a bien été obligé de s’investir.
En effet, des centaines de milliers d’Ukrainiens ont voté avec leurs pieds et ont fui vers la Russie, en quête de refuge. Le seul coin libre de toute la république était la ville de Sébastopol, objet du siège franco-britannique de 1851, et de celui des Allemands en 1941, parce que c’est la base de la flotte russe en Mer Noire. Cette ville héroïque ne s’est pas rendue aux émissaires de Kiev, même si quelques députés locaux étaient prêts à le faire. Et au dernier moment, la population est entrée en résistance. Le triste succès du putsch a été le début de sa déroute. Le pendule ukrainien, toujours oscillant entre l’Orient et l’Occident, a repris sa marche arrière.

3. Le soulèvement

En Crimée, les gens se sont levés, ont démis leurs dirigeants officiels qui cherchaient le compromis, et ont élu un nouveau chef, Sergueï Aksenov. La nouvelle direction a assumé le pouvoir, pris le contrôle de la Crimée, et a demandé aux troupes russes leur protection, face à la menace d’attaque par les enragés de Kiev. Cela ne semble pas avoir été nécessaire pour le moment: il y avait pléthore de Criméens prêts à défendre leur terre des envahisseurs bruns, il y avait des volontaires cosaques, et il y a la marine russe qui stationne en Crimée en vertu du traité. Ses marines seraient probablement à même de donner un coup de main aux Criméens en cas de difficulté. Ceux-ci, avec une certaine assistance russe, ont bloqué la route qui traverse l’isthme étroit reliant la Crimée au continent.
Le parlement de Crimée a choisi de rejoindre la Russie, mais ce vote devrait être confirmé par un référendum le 16 mars, pour déterminer quel sera l’avenir de la Crimée, si elle retourne à la Russie ou reste une république autonome au sein de l’Ukraine. Il est probable qu’ils préfèreraient rejoindre la fédération de Russie qu’ils ont quittée sur ordre de Khrouchev il y a à peine un demi-siècle. Étant donnés la langue commune et les liens du sang, cela fait sens: l’Ukraine est en faillite, la Russie est solvable et prête à assumer un rôle protecteur de ce type.
En fait, Poutine n’aura probablement pas d’autre choix que d’accepter la décision de la population.
La marine ukrainienne dans la mer Noire a fait allégeance à la Crimée, et non plus à Kiev, et certaines unités de l’armée de l’air l’ont rejointe, avec des douzaines d’avions de combat et des troupes au sol. Les troupes loyales à Kiev ont été bloquées par les Criméens, mais il n’y a pas eu de violence, dans ce transfert pacifique de pouvoir.
Trois cent nouveaux mercenaires de Blackwater ont atterri début mars 2014 à l’aéroport de Kiev. Le régime de Kiev a appelé l’OTAN au secours, et a fait savoir qu’il était prêt à permettre aux missiles US de stationner en Ukraine. Les missiles en Ukraine, comme maintenant en Pologne, trop près, eux aussi, de la Russie au goût des Russes, pourraient fort bien franchir la ligne rouge russe, tout comme les missiles russes à Cuba avaient franchi la ligne rouge américaine en 1962. Le chef des services d’intelligence israéliens Yaakov Kedmi, un expert en questions russes, a dit qu’à son avis les Russes ne pouvaient pas permettre une chose pareille, à aucun prix, même si cela devait signifier la guerre.
Poutine a demandé à la chambre haute du parlement russe la permission de déployer les troupes russes si nécessaire, et le parlement a donné son feu vert à l’unanimité. Elles seront probablement déployées pour protéger les ouvriers en cas d’attaque par un Secteur Droit vitaminé par les mercenaires de Blackwater. Une catastrophe humanitaire, des troubles à grande échelle, un afflux de réfugiés ou l’arrivée des troupes de l’OTAN pourraient aussi forcer la main à Poutine, y compris contre sa volonté.
Quand on parle des « deux poids deux mesures »…
Le 8 février 1976, un référendum est organisé à Mayotte, pour le rattachement de l’île à la France. L’ONU considère ce référendum de 1976 comme nul et non avenu, et condamne la violation de l’intégrité territoriale des Comores et demande à la France de quitter Mayotte, mais la puissance occupante fait la sourde oreille.
Comme à Mayotte, le Parlement de Crimée a voté le rattachement de la région à la Russie et les sanctions fusent de partout. J’ai failli mourir de rire (mdr) lorsque M. Fabius a souligné qu’ »un rattachement direct à la Russie voudrait dire changer de système et que l’intégrité territoriale ne serait plus respectée », avant d’ajouter  »si vous admettez le principe qu’une région, dans n’importe quel pays, en contradiction avec les règles constitutionnelles de ce pays, peut se rattacher à un autre pays, cela veut dire qu’il n’y a plus de paix internationale ni de frontières assurées ».

4. Le président en exil

Le président Yanoukovitch rentrera dans l’histoire comme un personnage faible, tragique, et il mériterait une plume plus placide que la mienne. Il a fait son possible pour éviter les pertes en vies humaines, alors même qu’il faisait face à une offensive sans concession dirigée par de très violentes troupes d’assaut. Et on lui impute la mort de quelque quatre-vingt personnes, entre policiers et opposants.
Parmi les victimes, certaines furent tuées par le Secteur Droit lorsqu’ils dévastaient les bureaux du parti au pouvoir. Les hommes politiques avaient quitté les bâtiments bien à l’avance, mais les équipes de secrétariat étaient encore là, principalement des femmes, des jeunes, et autre menu fretin. Un ingénieur du nom de Vladimir Zakharov est allé trouver les assiégeants rebelles et leur a demandé de laisser sortir les femmes. Ils l’ont descendu sur le champ, à la batte. Et un autre a été brûlé vif.
Mais la plupart des pertes sont le fait des snipers, et pourtant elles sont imputées à Yanoukovitch. Le régime de Kiev a même demandé au tribunal de La Haye de traîner en justice le président comme ils l’avaient fait pour Milosevic. Mais voilà qu’une conversation entre Catherine Ashton, représentante de l’UE, et le ministre des Affaires étrangères estonien Urmas Paet révèle que les émissaires de l’UE savaient parfaitement que les douzaines de victimes des snipers sur la place Maidan avaient été abattus par des rebelles, et non pas par la police du président Yanoukovitch, comme ils le prétendaient. Urmas Paet a reconnu l’authenticité de cet échange téléphonique lors d’une conférence de presse, et a réclamé une enquête indépendante. Il s’avère que les tireurs rebelles ont tiré tant sur les policiers que sur les rebelles, pour faire couler le sang et en accuser le président.
Cela devient une marque de fabrique dans les révolutions made in USA. Des snipers tirant sur les deux camps avaient été signalés à Moscou lors des émeutes de 1991 et 1993, comme dans bien d’autres cas. Certaines sources ajoutent que des snipers israéliens célèbres ont été embauchés pour ces occasions, ce qui est plausible, au vu des connections israéliennes de Kolomoysky. Un ami personnel de Kolomoysky, membre éminent de l’ex-opposition, le parlementaire et actuel chef de l’administration Sergueï Pachinsky, a été arrêté par la police alors qu’il emportait l’arme d’un sniper équipée d’un silencieux hors de la scène du crime. Cette découverte a fait l’objet d’une note succincte dans le New York Times, retirée par la suite. Cette révélation élimine (ou du moins réduit sensiblement) la responsabilité pénale du président. Mais l’incident sombrera probablement dans le trou noir de la mémoire, et finira aux oubliettes, comme les révélations de Seymour Hersh au sujet des attaques au gaz sarin en Syrie.
Le président Poutine a fait une autre révélation lors de sa conférence de presse du 4 mars 2014. Il a dit qu’il avait convaincu (lisez plutôt obligé ) le président Yanoukovitch de signer l’accord du 21 février 2014 avec l’opposition, comme le demandaient les ministres occidentaux. En signant ce qui était plutôt une capitulation, le président ukrainien acquiesçait à toutes les exigences des rebelles nazis, y compris l’organisation d’élections anticipées, au parlement, et pour la présidence. Mais cet accord n’a servi à rien: les rebelles ont essayé de tuer Yanoukovitch la nuit où il se rendait à Kharkov.

5- Comment la NSA est passée à côté de la Crimée ?

Cette question est soulevée par les experts et les médias occidentaux. Des politologues et des spécialistes du renseignement russes analysent également le manque d’attention de Washington.
Le Conseil suprême de Crimée a voté ce mardi 11/03/2014 une Déclaration d’indépendance pour permettre le rattachement à la Russie par la suite. Maintenant, il faut attendre le référendum du 16 mars. Et si la majorité des Criméens se prononce en faveur d’un tel développement, les documents nécessaires seront envoyés par Simferopol à Moscou. Cela devrait être régularisé rapidement.
Nul besoin de s’étendre sur la réaction des nouvelles « autorités » de Kiev. C’est la réaction des États-Unis qui est importante. Le président américain Barack Obama fait chaque jour une déclaration ayant du type « nous ne laisserons pas faire, nous allons recourir à des sanctions ». Il est loin de faire l’unanimité au sein de ses partenaires européens. Qui plus est, beaucoup soulèvent une question : que faisait la toute-puissante NSA ? Les États-Unis, le pays avec le système de surveillance le plus élaboré au monde, ne sait pas que faire dans le reste du monde, écrit, entre autres, Michele Zurleni du magazine italien Panorama.
Selon l’exposé de l’auteur de l’article, le 27 février, quelques heures après la création d’un gouvernement provisoire à Kiev, Vladimir Poutine a annoncé un « contrôle inopiné » de l’aptitude opérationnelle des troupes. 150 000 personnes ont effectué des exercices près des frontières occidentales de la Russie. Le même jour, à Washington, le républicain Mike Rogers, président de la Commission de la sécurité de la Chambre des représentants, a reçu un rapport de la direction de la NSA. Son contenu : les actions de Vladimir Poutine sont du bluff. Le jour suivant, un nouveau pouvoir pro-russe s’installe en Crimée, des formations semi-militaires contrôlent les aéroports et encerclent les bases militaires ukrainiennes. Vladimir Poutine a un coup d’avance. L’auteur conclut qu’il ne reste plus à la Maison-Blanche qu’à courir derrière le dirigeant du Kremlin, qui agit rapidement.
Cinq jours plus tard, l’Amérique commence à se poser une question : pourquoi le gouvernement américain a-t-il été pris au dépourvu ? On parle de la politique molle de Barack Obama envers Vladimir Poutine, on accuse les renseignements américains, la direction des agences, les fonctionnaires et les experts. Vladimir Evseïev, directeur du Centre d’études sociopolitiques, souligne que peu se rappellent qu’il ne s’agit pas de la première erreur de ces tout-puissants services spéciaux.
« Apparemment, cela a été considéré comme du bluff. Le fait que la Russie ne soit pas considérée comme un partenaire à parts égales a eu une grande incidence sur les efforts des renseignements américains. En exagérant le potentiel de ses moyens de surveillance, les États-Unis se retrouvent avec un nouveau scandale. Il y a eu, en ce qui concerne la Russie, une sous-estimation évidente des possibilités de Moscou, une mauvaise estimation du développement de la situation. Les services spéciaux russes ont démontré qu’ils pouvaient fonctionner lors d’une guerre d’informations et dans le contexte d’une surveillance mondiale des Américains. »
Les progrès technologiques des dernières années et les équipements les plus modernes des services spéciaux ont eu un effet secondaire. Pour Andreï Massalovitch, président d’Inforous, les analystes américains ont apparemment oublié les bases du travail de renseignement, qui repose entièrement sur l’électronique.
« Pendant de nombreuses années, une des principales pierres d’achoppement de la pratique du renseignement a été l’accès aux informations primaires : les écoutes de conversations, de messages électroniques, l’accès aux bases de données, la filature. Et, lorsqu’il y a eu les possibilités techniques d’atteindre ces objectifs, il y a eu une euphorie. De grandes masses d’informations sont apparues, et le second composant a été négligé : le travail sur de grandes bases, le traitement analytique. L’objectif du renseignement n’est pas seulement de raconter qui a dit quoi, mais aussi de fournir une analyse globale : que se passe-t-il, comment cela va-t-il évoluer, comment nos actions pourraient avoir une influence. C’est ce travail analytique qui a aujourd’hui régressé dans beaucoup de domaines. »
Robert Bayer, ancien agent de la CIA et auteur d’un livre et d’articles sur Langley, explique que Vladimir Poutine ne discute pas de sa stratégie avec son téléphone portable ni sur Facebook ou Twitter. L’ancienne CIA aurait essayé de trouver des informateurs dans la direction militaire du Kremlin. Mais c’était une autre époque. Pour Robert Bayer, il est clair que les programmes numériques de surveillance ont été inutiles dans ce cas. L’Occident, en lançant son opération pour changer le pouvoir en Ukraine, a soudainement découvert que Vladimir Poutine avait un plan pour riposter. Et il n’avait aucune idée du contenu de ce plan. C’est un échec de la branche analytique : avec un accès illimité à l’information, les services spéciaux américains ne sont pas devenus tout-puissants.

6- Les Russes neutralisent l'armée ukrainienne

Breedlove qui est le commandant suprême de l’OTAN en Europe (SACEUR), a confirmé la déconnexion complète des troupes ukrainiennes de leurs centres de commandement et de contrôle, menée avec succès par les Russes, grâce à la nouvelle génération de systèmes de brouillage et cyber attaque. Une opération qui neutralise définitivement n’importe quelle armée, la transformant automatiquement en une sorte de punching-ball, et la cueillant sans qu’elle soit en mesure de combattre. Jusqu’à présent, seule l’armée américaine a été en mesure de réaliser, à cette échelle, une telle opération.
Cette méthode « soft » de de l’armée russe consiste en l’utilisation massive des systèmes C4I, en particulier les installations de mémoire, des microprocesseurs et des équipements de communication par satellite. Tous ces systèmes C4I sont coordonnés par des serveurs dédiés, avec une  puissance de traitement de la dernière génération, le tout sécurisé par un cryptage numérique sur toute la largeur du spectre de fréquences. Le résultat de cette opération est que tous les écrans des canaux de recherche-détection de toutes les catégories de forces armées ukrainiennes ont commencé à jouer tout seuls à  " Va voir là-bas si j'y suis" , indiquant une invasion à grande échelle inexistante, créant ainsi des vulnérabilités létales pour l’armée ukrainienne.

Dans la foulée, l’opération russe à proprement parler aurait pu se transformer en une manœuvre d’occupation de l’Ukraine. Poutine a préféré s’abstenir de concrétiser l’avantage que lui fournissait le C4I pour l’occupation de l’Ukraine. En se limitant au rattachement de la Crimée à la Russie, il envoie à l’OTAN un message clair. À savoir que les troupes américaines actuellement stationnées en Europe et ses alliés occidentaux ne pourront pas non plus faire face. Les Etats-Unis se retrouvent dans une situation où ils doivent prendre une décision désagréable : soit déplacer de nombreuses troupes supplémentaires de l’ouest du Pacifique à l’Europe, laissant l’initiative à la Chine sur le théâtre d’action de l’ouest du Pacifique, soit restreindre le champ d’action des troupes américaines stationnées en Europe. Dans le second cas, le parapluie de l’OTAN ne couvrira qu’une petite partie des Etats membres en l’Europe.

Le fait qu’un professionnel redoutable comme Breedlove ne mentionne rien dans son discours, même en passant, à propos de l’intention du déploiement des troupes américaines en Europe comme une solution pour contrer les Russes, est d’une gravité absolue. C’est une reconnaissance du fait que la Russie a maintenant une force militaire extrêmement bien préparée, prête n’importe quand pour une action beaucoup plus importante que celle de Crimée, n’importe où en en Europe. A partir de cette réalité, la conclusion du Général suggère quelque chose comme : sauve qui peut. !!  Les Européens de l'Est doivent maintenant "serrer les fesses", eux qui ont tout misé sur la protection de l'Oncle Sam.

7- Les gagnants et les perdants 


L’Europe au sens large est le débouché économique naturel de la Russie. Le nombre de liens qui se sont tissés depuis 25 ans est inextricable ! Une rupture aurait donc des conséquences extrêmement fortes, et je ne vois pas comme cela pourrait arriver, sur le plan diplomatique ou économique.

L’impact sur l'aspect énergétique serait énorme, et pour certains pays insoutenable. La Russie exporte la majeure partie de son gaz et de son pétrole vers l’ouest. L’Union européenne et les pays européens sont ses premiers clients au niveau des matières premières énergétiques.
Si l’on rajoute la partie technologique de ce volet énergétique, énormément de pays européens sont équipés de centrales nucléaires russes, ont des contrats d’approvisionnement avec la Russie pour l’uranium ; Atomener-goprom l’entreprise russe de construction de centrales nucléaires, opère en République-Tchèque, en Slovaquie…  Cette société a aussi passé des contrats de fourniture d’uranium avec Areva, pour alimenter des centrales au Royaume-Uni.
L’Allemagne est le pays le plus dépendant à la Russie. Elle s’est construite depuis les années 1990 comme le hub énergétique de la Russie en Europe. Le siège de Gazprom Europe est en Allemagne et le pays est le premier client en export-pétrole de la Russie. L’Allemagne, au tout premier chef, serait le pays d’Europe le plus affecté. Mais tous les pays qui se situent entre elle et la Russie, c’est-à-dire toute l’Europe centrale et orientale, sont aussi extrêmement dépendants. Ces pays, comme la Pologne, la Slovaquie ou la République tchèque avaient déjà extrêmement souffert lors des guerres gazières entre la Russie et l’Ukraine en 2006-2008.
La Russie a aussi diversifié ses voies d’approvisionnement vers l’Europe, en construisant le gazoduc North Stream et actuellement le gazoduc South Stream, ce qui veut dire que des pays qui étaient peu dépendants de la Russie le deviennent de plus en plus. Pour la France, par exemple, on est passé de 12% à 15% d’approvisionnement gazier russe en 5 ans. Ce n’est pas énorme, mais on voit que la Russie renforce son poids dans les relations.
Pour l’Union, une rupture des relations aurait donc un impact majeur – ce qui accrédite l’idée que cela ne se produira pas – et cet impact serait vraiment dramatique pour l’Allemagne et l’Europe orientale.

8- La Russie prête pour la guerre économique

Les différents ministères et structures économiques russes, potentiellement concernés par de lourdes sanctions économiques, ont été mobilisés pour préparer une riposte massive le cas échéant. La décision russe d’intégrer la Crimée est désormais irrévocable. Avec la quasi-totalité de la population russe et des forces politiques derrière lui, Vladimir Poutine s’apprête à affronter un occident divisé, appauvri et contesté au sein même des nations qui le composent.
La riposte russe sera totale en effet :
- ventes des bons du trésor des pays sanctionnant ;
- non remboursement des prêts contractés par la Russie ou par les entreprises russes ;
- confiscation des actifs occidentaux ;
- achat de devises asiatiques en remplacement des devises occidentales ;
- fin du commerce avec l’occident et virage asiatique vers la Chine et la Corée du Sud qui ont déjà été contactées dans ce sens et seront les premiers bénéficiaires de cette rupture ;
- fin de l’utilisation du dollar dans les échanges commerciaux.
Les conséquences de cette riposte représentent une véritable catastrophe potentielle pour les économies européennes, notamment pour l’Allemagne, la Pologne et la France. Il est évident que cette riposte aura également des conséquences dramatiques pour l’économie russe, le temps qu’elle se réoriente massivement vers l’Asie. La différence est, encore une fois, que Vladimir Poutine n’hésitera à en appeler à la solidarité nationale russe, contre le diktat occidental. Les gouvernements ouest-européens ne pourront pas, en revanche, compter sur la compréhension de leur population. En France, les médias “mainstream” ont essuyé leur première défaite face aux médias alternatifs. Décidés à passer sous silence la compromettante conversation de Catherine Ashton, ils ont été contraints au bout de cinq jours – et sous la pression des sites internet alternatifs – d’évoquer le sujet.
La force de Vladimir Poutine reposent aujourd’hui sur la confiance qu’il inspire à la population russe, ainsi que sur son trésor de guerre. Ces deux atouts lui permettront d’amortir les conséquences d’une guerre économique, bien mieux que ses adversaires.
Les États-Unis ont une nouvelle fois sous-estimé la détermination de la Russie. Ils tentent de faire payer aux Européens leur nihilisme stratégique. Il y a tout lieu de croire que les Européens ne vont pas pousser la Russie dans une guerre que leurs économies exsangues, pour la plupart, ne leur permettront pas de mener. La France, plus que toutes les autres nations européennes, doit se libérer du joug malfaisant de Washington. Il est heureux de constater que l’incorruptible Jean-Pierre Chevènement se trouve en première ligne pour rappeler où se situe l’intérêt supérieur de la France, et palier les idioties de l’histrion BHL. Ce dernier s’efforce une nouvelle fois, d’entrainer le gouvernement français dans de nouvelles errances libyennes, où il ne trouvera que le ridicule qui s’est déjà abattu sur lui en Syrie.
Le choix de l’Europe, et par conséquent du partenariat russe, contre le choix de l’Occident, et par conséquent de l’Union européenne, est désormais un thème qui dépasse les clivages politiques traditionnels. Les Français rejettent massivement l’ingérence nocive des États-Unis dans les affaires européennes, comme ils rejettent totalement son modèle civilisationnel.
Hannibal Genseric

 Confirmation (12/05/2014)

 Les mercenaires américains de l’ex Blackwater en Ukraine, selon un journal allemandLes mercenaires américains de l’ex Blackwater en Ukraine, selon un journal allemand
Selon le journal allemand Bild am Sonntag, environ 400 mercenaires de l’entreprise américaine Academi (ex-Blackwater) opèrent en Ukraine aux côtés des soldats et de la police ukrainienne, où ils coordonnent des opérations de guérilla contre les séparatistes pro-russes autour de l’enclave de Slaviansk.
«Des centaines de combattants d’élite américains coordonnent les opérations de guérilla en Ukraine», écrit le plus important journal allemand du dimanche, disant s’appuyer sur des informations du le Service fédéral de renseignement (BND), le service de renseignement extérieur du gouvernement fédéral allemand, placé sous la tutelle du Chancelier fédéral.
En Irak, Blackwater s’était fait une réputation douteuse, avait perdu la licence et a dû changé de nom.
Connus pour sa brutalité le groupe de mercenaires fondé par d’anciens soldats d’élite américains s’est battu pour les États-Unis en Irak et en Afghanistan. En Irak, selon des des documents dévoilés par Wikileaks, ils auraient torturé et assassiner des civils.
L’incident le plus spectaculaire a eu lieu en septembre 2007, lorsque les mercenaires de Blackwater ont attaqué un convoi qui leur paraissait suspects tuant 17 personnes, dont des femmes et des enfants, qui se rendaient une fête de mariage.
Blackwater était également responsable de la protection des militaires de haut rang, des hommes politiques et des diplomates en Irak. Ses hélicoptères noirs qui survolaient quotidiennement Bagdadb avec une porte toujours ouverte et un mercenaires en uniforme militaire une mitrailleuse à la main sont devenus légendaires.
Après la révocation de sa licence en Irak, la société a changé son nom pour Xe Services et déplacé ses principales activités en Afghanistan. En 2011, elle a pris le nom d’Academi.
En 2012, l’entreprise a aussi dû payer une amende de 7,5 millions de dollars pour exportation illégale d’armements.
C’était la première fois, lors de la guerre en Irak, l’Amérique avait «sous-traité» de grandes parties du militaire et transféré à diverses entreprises privées, ce qui avait donné lieu à plusieurs cas d’abus et de torture.

VOIR AUSSI : 

Le génial coup du cavalier de Poutine